Une proposition à l’Assemblée Constituante en décembre 1789
La discussion roulait sur la citoyenneté à accorder aux juifs, aux protestants et … aux comédiens. Le parti clérical multipliait les obstacles à l’égalité des droits qu’il souhaitait réserver aux seuls catholiques. On sait qu’il faut contraint à reculer (non sans mal puisque plusieurs protestants furent lynchés le 10 mai 1790 à Montauban et que la « bagarre de Nimes » le 13 juin de la même année 300 personnes trouvèrent la mort).
Dans le débat, le 24 décembre 1789, le député alsacien François-Joseph-Antoine Hell intervient en faveur du droit des juifs et, au passage, prononce, ces mots
« Je vous prie, Messieurs, de rendre un décret particulier qui assure à tous les mahométans, et spécialement aux sujets de la Sublime-Porte, tous les droits de cité en France, de supplier le Roi de sanctionner promptement ce décret, et de le faire passer le plus tôt possible en Turquie, où tous les Francs sont exposés à de grands dangers depuis la perte de Belgrade.
Vous ne ferez par là, que renouveler une convention faite, il y a plus d’un siècle, entre Louis XIV et les Turcs.
Je prends la liberté de vous présenter le projet de ce décret :
« L’Assemblée nationale, considérant la bonne intelligence et l’amitié qui subsistent depuis plus d’un siècle entre la France et la Sublime-Porte, et désirant en perpétuer la durée, a décrété et décrète que tous les mahométans, notamment les sujets de l’empereur turc, tant en Europe que dans d’autres parties du monde, jouiront, dans tout l’empire des Français, de tous les droits, honneurs et avantages dont jouissent les citoyens Français, »
Cette proposition ne fut pas mise aux voix mais il est intéressant de noter qu’absolument aucune intervention opposée, ni même réservée, ne suivit la proposition de Hell. Visiblement, tout le monde la considérait comme légitime, l’envisageait comme possible.
L’égalité des droits envers les pratiquants de l’Islam que l’on s’obstine à présenter comme un produit d’importation récente (alors que le député musulman Grenier avait siégé en djellaba en 1896 !) était discutée dès la première année parlementaire française, sans que quiconque ne s’en offusque.
Et ce sont ceux qui se réclament des traditions « françaises » qui s’en offusquent en 2017 sans connaitre l’Histoire de France !
Jean-Marc Schiappa