un nouveau statut pour l’IHRF ?

Un nouveau statut pour l’IHRF ?*
PAR AHMUF • 02/01/2016
Chères et chers collègues,
j’espère que « la limonade aristocratique » comme le disait Robespierre du champagne a coulé hier soir et que 2015, que personne ne regrettera et se finissant, 2016 nous portera plein de force pour nous consacrer à Marianne, si nous ne voulons pas de Marine en 2017.
Depuis ce matin l’UMS qui portait l’IHRF n’existe plus. Ni juridiquement, ni financièrement, l’IHRF n’a d’existence désormais, pour le moment. Ainsi en a décidé le CNRS. J’en prends acte, n’ayant pas à commenter cette décision, Je constate simplement que l’année où l’on panthéonise Jean Zay, on défait l’institut de défense républicaine et d’études universitaires qu’il avait porté en 1937. La vitrine est quelque peu brisée. Il est vrai qu’à l’époque le gouvernement était de gauche et d’union populaire.
Concrètement l’IHRF n’a plus d’autonomie financière pour construire sa politique scientifique dans l’avenir, ni d’existence légale pour exister en tant qu’institut universitaire. Quatre EC, un professeur et trois maitres de conférence continueront de façon loyale à travailler au sein de l’IHMC, comme ils l’ont toujours fait, avec toujours moins de moyens, mais pas sans espoir.
Entre 2008 et 2015, l’IHRF a assumé 10 parutions collectives, organisé et co-organisé 16 colloques internationaux, a co-porté au sein de l’ANR le projet REV-LOI en collaboration avec l’université de Chicago et les Archives Nationales, permettant la numérisation de plus de 20 000 décrets et lois des trois premières assemblées révolutionnaires de 1789 à 1795, accessibles sur le serveur de Paris I. L’IHRF a engagé la numérisation des 80 000 pages des Archives parlementaires qui se terminera en partenariat avec la BIS et le laboratoire Persée de l’ENS de Lyon en 2022. Un site électronique a été inventé, référencé comme site repère par le ministère de l’Education Nationale. Michel Vovelle a fait un don de plus de 2000 ouvrages, accueillis et tous classés. Une revue électronique, http://lrf.revues.org/, portée par le portail revues.org a été imaginée, conçue, testée par le comité éditorial durant 5 numéros, puis labellisée. Elle en est actuellement à son 9eme numéro, et la programmation est engagée jusqu’en 2017. Un grand séminaire d’histoire d’Outre-Mer a été fondé liant les universités de la Réunion et des Antilles et de Paris I. Une université populaire reconnue par convention officielle a été signée sous l’impulsion de l’IHRF avec le comité Marche du 23 mai 1998. Depuis la retraite de Michel Vovelle, il n’y a jamais eu autant de doctorants au sein de l’IHRF, dont trois anciens élèves de l’ENS, salariés de notre université. L’ensemble des étudiants de MI, partagés par l’équipe enseignante, s’élève à 21 cette année. Je ne parle pas des effectifs de L3 que chacun peut consulter aisément… Le séminaire doctoral co-dirigé par les deux HDR de l’IHRF, n’a jamais eu moins de 40 participants depuis octobre 2014.
Trois promesses ont été faites concernant la bibliothèque, la publication des Archives parlementaires et le site électronique de l’IHRF. Ces trois points acquis (non sur le papier) mais oralement, me reste l’espoir de voir le CNRS tenir parole.
Reste également à expliquer à nos collègues Japonais, Chinois, Anglais, Italiens, Espagnols, Allemands, Néerlandais, Américains du nord et du sud, Coréens, Canadiens, Belges, Tunisiens, Russes, Polonais, Australiens entre autres, et qui ont fait l’honneur et l’amitié d’inviter les EC de l’IHRF, ce tournant de la politique scientifique et envisager avec eux la suite des collaborations qui nous lient et ont donné de si fructueux résultats jusqu’à présent. Tous demeurent incrédules, ou tout au moins plus que surpris par cette décision qui entrave durablement toute initiative au long terme, de politique commune avec nos collègues des universités d’autres pays. Plus proches de nous, les centres d’université de province, la Société des Etudes Robespierristes construisent des politiques sur deux ou trois ans, nous sollicitant régulièrement pour des projets communs. Plus personne ne peut leur répondre désormais pour s’engager sur l’organisation d’un colloque dans deux ans… c’est aussi simple que cela. Il en est de même avec le Musée de la Révolution française de Vizille avec lequel un partenariat des plus constructifs avait été pensée et édifié, en partie sur la confiance et la pérennité de nos institutions respectives.
Avant de penser à ce que nous réserve l’avenir, force est de constater que l’IHRF existait bien avant l’UMS. Il a été fondé il y a 78 ans, et était un des plus anciens laboratoires de recherche de l’Université de Paris I. Depuis 1886 la recherche universitaire en Sorbonne est assurée et poursuivie. L’IHRF doit-il disparaitre au nom de la gouvernance sobre et calculatrice ? Ou se dissoudre dans le prestigieux IHMC, dont la valeur n’est ici strictement pas remise en cause.
L’IHRF auquel j’appartiens depuis 1984, a connu bien d’autres péripéties, remises en cause, turbulences et risques de disparition. Les volontés des chercheurs, de quelques décideurs éclairés, des participants à son séminaire, de ses doctorants, ont toujours permis de trouver une solution pour le faire vivre et lui redonner toute sa visibilité dans le champ des études révolutionnaires français et international.
Etre suprême, ce ne sont pas les historiens qui décident quand la révolution est finie, ni les bureaucrates qui peuvent déterminer la fin d’une institution aussi reconnue, active, et dynamique que l’IHRF.
Elle a été un Institut Universitaire, elle peut le redevenir ou prendre bien d’autres formes.
L’UMS est morte…. Je laisse aux modernistes de notre laboratoire terminer la phrase.
N’ayant jamais cru que l’affaiblissement d’une branche active des sciences humaines, pouvait renforcer un autre pan de la recherche, je demeure fort inquiet sur cette politique…
Je souhaite à tous une belle année de luttes républicaines et de vigilance démocratique, de désobéissance civile pour les plus rebelles et les plus révolté e s par les injustices d’entre vous, sans compter surtout sur les plus belles aventures intellectuelles et scientifiques avec nos étudiants et doctorants. Ce sont eux qui feront le futur des études révolutionnaires avec ou sans entrave.
Bien à vous.
Pierre Serna, professeur d’histoire de la Révolution française à l’Université de Paris I Panthéon Sorbonne et vice-président de l’Ahmuf (Association des Historiens Modernistes des Universités Françaises)
*Institut d’Histoire de la Révolution Française