Interview à propos de Madeleine Pelletier
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis chargée de production dans l’audiovisuel et je travaille en collaboration avec des réalisateurs de documentaires depuis un certain nombre d’années.
L’histoire du documentaire sur lequel je travaille actuellement, c’est celle d’un coup de foudre pour une femme extraordinaire que j’ai découverte il y a de cela maintenant quatre ans grâce à la lecture d’un article de presse. Madeleine Pelletier (1874-1939), petite fille misérable devenue première femme interne en psychiatrie par la seule force de sa volonté, autodidacte, militante politique de gauche, féministe « intégrale », pionnière du droit à l’avortement. La lecture de cet article a été un déclic, le point de départ de mes toutes premières recherches. À partir de là, plus j’en apprenais sur Madeleine Pelletier, plus j’avais envie d’en savoir sur elle. J’ai acheté mes premiers livres, compulsé tout ce que je trouvais sur internet
Alors pourquoi ne pas me lancer à mon tour ? Tout naturellement, l’idée de lui consacrer un documentaire est née et j’ai commencé à écrire mon sujet. Un peu plus tard, j’ai fait la connaissance de Christine Bard, historienne spécialiste de l’histoire des femmes, à qui j’ai parlé de mon projet. Son adhésion immédiate m’a confortée dans l’idée que ce documentaire était fédérateur. Et puis il y a eu mon amie Laurence qui m’a fait un magnifique cadeau en acceptant d’incarner Madeleine Pelletier à l’image.
- Vous préparez un film sur Madeleine Pelletier. Qui était-ce ?
Madeleine Pelletier est vraiment un personnage hors du commun. En plus d’être une féministe « intégrale », on peut dire qu’elle a aussi été une pionnière « intégrale ». Sa vie durant, elle s’est battue pour les droits des femmes, avec une clairvoyance et une modernité qui aujourd’hui encore, en font un personnage d’avant-garde. En 1903, elle ouvrait la voie pour les femmes aux études de psychiatrie. Elle a été la première femme interne des asiles de la Seine ! En 1905, elle siégeait aux instances dirigeantes du parti socialiste. Elle s’y rendait habillée en homme, avec un revolver dans la poche. En septembre 1904, elle convainc Louise Michel d’adhérer à sa loge maçonnique et dans son élan, elle organise une conférence avec cette dernière dont le thème est l’admission des femmes. Ce prosélytisme pour féminiser la franc-maçonnerie rencontre de très vives oppositions car les femmes sont suspectées d’attachement à la religion et à la réaction. De même, son activisme en faveur de la liberté des femmes en matière d’avortement et de contraception suscite des désaccords avec sa loge. Elle devient, dès 1906, secrétaire de la GLSE. S’opposant à un frère, elle est obligée de quitter la loge Philosophie sociale et entre alors dans la loge Diderot. Elle s’investit dans le mouvement et siège à la commission du Bulletin hebdomadaire des travaux de la maçonnerie. Elle devient la première femme à tenir un tel rôle dans une association de francs-maçons où sont aussi présentes des loges refusant les femmes. Elle écrit aussi pour la revue maçonnique « L’Acacia » .En 1910, elle se présentait aux élections législatives. En 1911, elle publiait son ouvrage « Le droit à l’avortement ». En 1917, elle s’enthousiasmait pour la révolution d’Octobre en Russie. En 1932 elle adhérait au mouvement pacifiste d’Henri Barbusse. Et quarante ans avant Simone de Beauvoir, elle faisait la distinction entre sexe biologique et genre…
Hétérodoxe, libre, indomptable et indomptée, elle était toujours là où on ne l’attendait pas, à appuyer où cela fait mal. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle s’est attirée un certain nombre d’inimitiés et qu’aujourd’hui encore, elle dérange. Il y a quelques années, les co-propriétaires d’un immeuble parisien ont refusé qu’une plaque lui rendant hommage y soit apposée ! Intransigeante sur le droit des femmes, elle est un exemple pour celles et ceux qui pensent qu’il faut vivre sa vie sans compromission. La mort de Madeleine Pelletier a clôt l’une des affaires d’avortement les plus retentissantes de son époque, la seule ayant donné lieu à un internement en asile psychiatrique. Aujourd’hui encore, la question subsiste, était-ce pour la réduire au silence qu’elle a été internée ?
En 2017, Céline du Chéné a réalisé pour France Culture un excellent documentaire radiophonique sur Madeleine Pelletier dans le cadre de l’émission « Une vie, une œuvre » mais à ce jour, aucun documentaire audiovisuel ne lui a été consacré.
Sur les traces de Madeleine Pelletier se propose de combler cette lacune en brossant le portrait de cette femme hors du commun, figure essentielle de l’histoire du féminisme français et européen pourtant si injustement oubliée.
- Où en êtes-vous dans le projet et comment vous aider ?
Le tournage du film est terminé, son montage est en cours. Jusqu’à présent, j’ai entièrement produit le film sur mes fonds propres. À ce stade d’achèvement, ce n’est plus suffisant. Je dois encore acheter les archives (photos et vidéo HD), qui vont venir se substituer aux images en basse définition, faire procéder à l’enregistrement des différentes voix (narrateur et personnages), au graphisme (génériques début et fin, synthés, animations), au mixage des voix, des sons et des musiques et à l’étalonnage des couleurs. La phase de post-production demande un financement pour lequel j’ai dû mettre en place une collecte participative.
Florence Dorrer-Sitoleux
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