Grenoble, 1938 (ou Barrès contre Jaurès)

L’IRELP vous propose de prendre connaissance de ce “billet de blog”, publié sur Mediapart par Jérôme Soldeville.

Une partie de la gauche issue du Front Populaire à partir de 1938 a retourné sa veste et a choisi d’entrer dans une spirale nationale et sécuritaire qui mènera la IIIe République à sa perte et fera le lit du régime de Vichy. À Grenoble, les dénominations des rues de cette période offrent encore un aperçu des discussions autour du thème de l’identité nationale.

On trouve aux archives municipales et métropolitaines de Grenoble trois délibérations portant sur le « changement de dénominations de diverses voies » ayant été votées entre novembre 1938 et mars 1941 par le Conseil Municipal. Le fait intéressant est qu’elles aient été présentées toutes trois par les élus qui les ont votées comme liées entre elles, même si la première d’entre elles a été votée avant le démarrage du deuxième conflit mondial. Le ver du nationalisme était-il donc déjà entré dans le fruit ? (Le maire de Grenoble, l’avocat Paul Cocat, radical élu en 1935 a été maintenu à son poste par Vichy).

Paul Cocat entame un virage notable dans les dénominations dans une ville en pleine expansion depuis 1925 sous l’égide du maire SFIO Paul Mistral, mais il est sous le feu des critiques des amis du grand maire disparu en 1932. Ainsi, le « boulevard des fortifications » ne portera finalement pas le nom de l’édile socialiste formé par Jules Guesde et Jean Jaurès, mais celui toujours en vigueur aujourd’hui des maréchaux Foch et Joffre, dans un nouveau climat politique de compromission avec les idées rances de la droite extrême, dans lequel on pourra entendre un Daladier affirmer que question migratoire et sécurité du territoire ne font qu’un. *