Démocratie et Égalité

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Qu’est la démocratie ?

Le pouvoir du peuple souverain.

C’est à dire que le peuple est souverain.

Que le reste lui est subordonné.

Quand un organisme, quelqu’il soit, échappe au regard du peuple souverain, quand une partie, quelqu’elle soit, de la société, échappe au contrôle du peuple souverain, il n’ y a plus démocratie.

Le rejet de la démocratie, sa négation, n’est pas seulement quand un élu s’émancipe de la supériorité du peuple. Cela, c’est simplement un coup de force ou un coup d’État.

Il est, évidemment, condamnable par ce seul fait.

Mais la question que l’on est en droit de se poser n’est pas « comment est-ce possible ? », question qui appelle une réponse subalterne ou opérationnelle, une réponse qui n’est pas une réponse.

La question de fond est « pourquoi est-ce possible ? ».

Le peuple est souverain.

Certes. Mais est-ce si vrai que cela ?

Bien plus que la souveraineté du peuple c’est la constitution, la formation du peuple comme corps social agissant, voire même comme corps social pensant (ou mieux, débattant parce qu’il ne peut y a voir de pensée une dans un peuple par essence divers et contradictoire).

C’est probablement ici que git le problème majeur de notre période.

Et que la question de l’Egalité est consubstantielle à la question de la démocratie.

Quel peuple peut-il y avoir quand l’éducation est à ce point inégale qu’il y a dans le même « peuple » le collège Stanislas et les collèges délabrés que chacun connaît, dans le 93 mais pas seulement ?

Quel peuple peut-il y avoir quand le droit à la santé est à ce point inégal entre l’hôpital américain de Neuilly et les hôpitaux publics dans lesquels les malades meurent aux urgences ?

Peut-on parler de « peuple » quand l’information répandue sur ce même peuple est la propriété de quelques milliardaires xénophobes ?

Et où est le peuple quand les informations publiques sont dans la main du gouvernement lui même dans la main de ces milliardaires ?

Y a t il peuple quand le droit du peuple à se déplacer librement (ce qui n’est guère que le droit élémentaire d’aller et de venir) est mis en lambeaux par des transports publics déchiquetés, par des prix de l’essence prohibitifs, par des octrois et des péages de toutes sortes ? C’est peut-être ici que le retour à une certaine forme d’Ancien Régime est le plus net.

Pour qu’il y ait « peuple souverain », il faut que chaque membre de ce peuple ne se sente pas, ne soit pas discriminé, du fait de sa personnalité (quelque soit sa personnalité, sa couleur de peau, son orientation sexuelle, son genre, ses origines, que sais-je encore).

Il est évident, cruellement évident, n’en déplaise aux politiciens bas de gamme, que la lutte contre toutes les formes de racisme est une lutte du peuple, la lutte du peuple.

On ne peut ici que rappeler la vieille formule des syndicalistes américains « un coup porté à un est un coup porté à tous ».

Une discrimination, une agression (policière ou autre), une transgression, n’est pas une discrimination, une agression, une transgression contre un membre du corps social mais contre le corps social, le peuple entier. Et la division, le morcellement, l’émiettement, pratiqué alors n’est qu’une destruction du peuple souverain. Car il n’est plus peuple donc souverain mais amas disloqué de composantes éparses.

On comprendra aisément qu’il ne s’agit pas ici d’énumérer ces amputations multiples ; il s’agit de toute autre chose.

Il est commun, parfois un peu trop commun, quand on s’interroge sur le peuple d’opposer le laos dans le sens de foule, de masse non organisée, au dèmos, qui possède une dimension plus politique. Le dèmos aurait tous les droits (et encore, uniquement tous les droits théoriques, tous les droits possibles à condition que le dèmos obéisse aux meilleurs, áristos ; que ces « meilleurs » soient auto-proclamés est une autre discussion) et le laos, forme vulgaire du peuple, n’en aurait aucun ou si peu. Le laos serait vulgaire, il regarde Hanouna et boit de la Valstar.

Or, c’est très certainement l’inverse qu’il faut affirmer.

Pour que le dèmos ait tous les droits (et il a tous les droits car il est le peuple souverain), il faut que le laos puisse vivre.

C’est le combat, non pas quotidien, mais permanent pour l’Egalité.

Pour les services publics, contre les discriminations, pour les droits que tout le monde connaît ou plus exactement a connu, pour l’augmentation des salaires, etc, pour tout cela ensemble.

C’est ce combat, ces combats, sous toutes ses formes qui unifie, qui transcende le laos et le dèmos.

C’est ce combat pour l’Egalité qui fait du peuple le peuple.

Il n’y a pas le laos d’un côté, le dèmos de l’autre. Il y a le peuple comme instance politique, comme objet et sujet politiques.

Faire vivre le laos sous toutes ses formes, c’est permettre aussi, surtout que le dèmos puisse s’exprimer. Et triompher. Car le dèmos c’est le peuple souverain, triomphant.

Et après tout, le laos, peuple indivis et indifférencié, n’est-ce pas ce qui a donné naissance étymologiquement à la laïcité ?

Et c’est parce que le laos est une puissance politique que la religion n’est pas une affaire privée, mais bien une affaire politique.

 

 

Mis à jour la dernière fois le 1 octobre 2024 par JEAN-LOUIS BAGAULT